Fausto Romitelli / Professor Bad Trip
Le triptyque Professor Bad Trip est l’une des plus singulières œuvres du tournant du xxie siècle. Fausto Romitelli (1963-2004) y puise son inspiration dans le graphisme psychédélique de Gianluca Lerici (alias Professor Bad Trip), les expériences d’Henri Michaux sur la mescaline ou les transgressions des toiles de Francis Bacon. À travers trois Lessons, il s’approprie les sons électriques, les artifices de l’amplification et les textures métalliques et saturées du rock, ainsi que sa violence, ses forces souterraines et ses effets hypnotiques et hallucinatoires. Mais jamais il ne renonce à l’écriture et à la création d’un langage propre. Dans cet ouvrage, Luigi Manfrin nous introduit à l’œuvre musicale et théorique de Romitelli, avant d’analyser, de manière sensible, rigoureuse et documentée, les trois panneaux de Professor Bad Trip à l’aune de l’harmonie et du timbre, des objets sonores ou de la relation entre répétition, distorsion et anamorphose.
Présentation
Professor Bad Trip est une œuvre iconique de la musique récente. Ce triptyque composé entre 1998 et 2000 fait appel à un petit ensemble dans lequel se font entendre une guitare électrique avec ses effets de saturation, un sifflet utilisé par les Beatles et par Freddy Mercury, et un harmonica. Ces instruments inhabituels dans les formations de musique contemporaine témoignent de l’intérêt de Fausto Romitelli pour les hybridations entre musique savante et musique rock. Il n’est donc pas étonnant que le compositeur italien emprunte à la sphère populaire l’idée de transe et celle d’états de conscience altérés. En l’occurrence, dans Professor Bad Trip, il travaille sur les phénomènes de perception induits par la prise de substances hallucinogènes, tels que ceux décrits par Michaux sous l’effet de la mescaline et s’inspire d’un imaginaire psychédélique.
Chez Romitelli, la recherche d’une musique âpre, puissante et directe vise à l’expression d’une violence cachée et se manifeste par une dérive chaotique du matériau comme principe formel. Élève de Donatoni, attiré à ses débuts par la musique de Ligeti et celle des musiciens spectraux, Romitelli a cherché tout au long de sa trajectoire à concilier cette matière sonore éruptive avec un véritable travail d’écriture, et il s’est appuyé pour cela sur l’appareillage électro-acoustique, notamment celui de l’IRCAM.
Luigi Manfrin retrace dans ce livre l’itinéraire du compositeur, son souci d’un style ouvert à des musiques autres, son travail avec les outils informatiques et ses réflexions sur les théories linguistiques comme la phonologie, mais aussi son intérêt pour les démarches artistiques de personnalités telles que Henri Michaux ou Francis Bacon, avant d’aborder plus concrètement Professor Bad Trip, dont il offre une analyse détaillée.
C’est le premier ouvrage en français consacré à Fausto Romitelli, compositeur né en 1963 et mort prématurément en 2004, suite à une longue maladie.
La traduction du texte original en italien est assurée par Laurent Feneyrou avec l’aide de Martin Kaltenecker.
Fausto Romitelli
Fausto Romitelli (1963-2004) a étudié la composition au Conservatoire de Milan puis à l’Accademia Musicale Chigiana de Sienne avec Franco Donatoni. Il s’installe à Paris en 1991 et devient l’élève d’Hugues Dufourt et de Gérard Grisey. De 1993 à 1995, il est compositeur en recherche à l’Ircam. Romitelli a remporté de nombreux concours européens. Son opéra vidéo An Index of Metals (2003) a reçu le prix Franco Abbiati des critiques musicaux italiens en 2004.
Sommaire
Remerciements
Préface
Introduction
Professor Bad Trip : un titre emblématique
Les pertinences linguistiques de l’écriture musicale
L’écriture et l’énigme de l’expérience
L’objet vécu
La morphologie spectrale
L’écriture du timbre
L’image du son
L’espace de transition entre harmonie et timbre
Sculpter des objets sonores
La création est « le travail de la signification »
La pertinence syntaxique des objets sonores
La métaphore de l’objet sonore
Les constellations du « Nom »
Dans la charnellité du son
L’au-delà de la métaphore
Comme un virus
Professor Bad Trip : Lesson I
Voyage dans la mescaline
Entre le son hi-fi et le son low-fi
Le son amplifié de Professor Bad Trip
Le clavier électronique
La guitare électrique
Les instruments ajoutés
Accords électroniques
Deux études sur la Lesson I
La section d’introduction de la Lesson I
La répartition par sections de A1
Les objets constitutifs de la Lesson I
La concaténation serrée des objets en A2
Génération spectrale et combinatoire en A3
Le loop de Romitelli
Le rythme harmonique de la partie centrale B
La partie finale de la Lesson I
Professor Bad Trip : Lesson II
L’introduction de la Lesson II
La partie A : la figure comme véhicule du temps
Prima cadenza du violoncelle
Variations spectrales :introduction de la partie II (B)
Percevoir l’écart : attendre le temps prévisible
La digression scalaire descendante
La compression des objets dans B4
Seconda cadenza du violoncelle
La liquéfaction timbrico-harmonique de la conclusion
Professor Bad Trip : Lesson III
Unissons avec déphasage du volume et intonation
De l’esquisse à la partition
La circularité formative de l’image sonore
Artifices spectraux
Saturation, feedback et low-fi
La nouvelle nature inharmonique du son
Bibliographie et discographie
Auteurs
Luigi Manfrin
Elève de Donatoni, le compositeur Luigi Manfrin est également philosophe et musicologue, professeur au Conservatoire à Udine.
Revue de presse
Chronique d’André Hirt pour Opus 132, le 3 juillet 2024