Anton Webern
Présentation
Né en 1883, fils d’un fonctionnaire, Webern étudie le piano et le violoncelle et compose ses premières œuvres à partir de 1899. En 1902, après un voyage à Bayreuth qui le marque, Webern s’inscrit à l’Université de Vienne (cours de musicologie avec Guido Adler et d’écriture avec Hermann Graedener et Karl Navrátil). En 1906, il obtient son doctorat grâce à un travail sur le Choralis constantinus d’Heinrich Isaac. Le contrepoint sera présent dès son premier opus, une Passacaille pour orchestre, et restera son mode de penser privilégié.
En 1904, Webern veut étudier avec Hans Pfitzner mais se montre si déçu par ses critiques vis-à-vis de Strauss et de Mahler qu’il s’inscrit aux cours de Schönberg, rejoint peu après par Berg. Sa fascination pour Schönberg le conduit à suivre son maître aussi bien esthétiquement que géographiquement : ainsi liquide-t-il la tonalité en même temps que lui et le rejoint-il à Berlin en 1911 avant de revenir avec lui à Vienne.
Si ses premières œuvres sont marquées par l’esprit postromantique, elles témoignent déjà d’une concentration de pensée au service d’un lyrisme intense. La transition entre ses œuvres tonales et atonales, puis entre celles-ci et les œuvres sérielles s’effectue naturellement, dans la continuité. Dans ses Bagatelles opus 9 pour quatuor à cordes et ses Pièces opus 10 pour ensemble, Webern exploite toutes les nuances de sonorités, le timbre devenant une composante essentielle de son écriture. En même temps, sa musique est de plus en plus aphoristique, atteignant un point maximum avec les Pièces opus 11 pour violoncelle et piano que Webern interdisait de jouer en public.
Après la Première Guerre, il écrit beaucoup de Lieder avec des accompagnements instrumentaux variés, et le passage se fait insensiblement vers l’emploi de la technique sérielle, consacré par la Symphonie opus 21 et le Concerto opus 24, deux œuvres qui auront des résonances profondes après la Deuxième Guerre. Ambigu vis-à-vis du nazisme (plusieurs membres de sa famille y avaient adhéré), il est très isolé dans les années 1930-1940. Sa trajectoire culmine avec trois cantates (op. 26, 29, 31) et les Variations pour orchestre opus 30, à travers lesquelles Webern vise des formes plus amples.
Comme chef d’orchestre, Webern sera contraint de diriger dans des théâtres de second ordre un répertoire fait notamment d’opérettes qui le dégoûtent (il s’enfuit parfois de tels postes sans demander son reste !). Il dirigera aussi dans le cadre d’une association ouvrière à Vienne, donnant des interprétations mémorables des symphonies de Mahler. Musicien discret et introverti, fasciné par la nature et profondément religieux, Webern ne fut guère connu en son temps et composa une œuvre sans concession, d’une extrême pureté et d’une extrême rigueur. Après la guerre, il deviendra la référence centrale pour les jeunes compositeurs (Boulez en parle comme le seuil de la musique nouvelle) : c’est dans son œuvre que les jeunes compositeurs trouveront les prémices de leurs propres conceptions.
Webern meurt stupidement en 1945, abattu par un soldat américain alors qu’il protégeait la fuite de son beau-fils, sympathisant nazi soupçonné de pratiquer le marché noir.