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Bernard Alois Zimmermann

Présentation

Né en 1918 dans un milieu très religieux, Zimmermann suit l’enseignement très strict des Salvatoriens au couvent de Steinfeld, où il s’initie aux langues anciennes et à la théorie musicale, tout en peignant et en écrivant et en développant ses dons musicaux. En 1937, il est mobilisé dans le cadre du travail obligatoire et renonce à une carrière ecclésiastique désirée par sa famille ; il commence des études d’instituteur interrompues par la guerre en 1939. Mobilisé, il participe comme écuyer et estafette à cheval aux campagnes de Pologne et de France (c’est à Paris qu’il découvre les œuvres de Stravinsky et de Milhaud), puis de Russie, entre 1940 et 1942. Il est réformé en raison de maladies de la peau et fait de longs séjours en hôpital militaire. Il parlera d’une jeunesse volée.

Dès 1942, Zimmermann reprend ses études musicales tout en travaillant dans des orchestres de danse ou comme chef de chœurs d’hommes, mais aussi comme ouvrier dans l’industrie minière de Horrem. Il étudie la composition avec Philipp Jarnach et Heinrich Lemacher, le piano avec Hans Haas.

Ses premières œuvres sont jouées entre 1944 et 1946 à Cologne : elles relèvent encore d’un style néo-classique. Zimmermann évoluera lentement vers une écriture plus moderne, assimilant progressivement la technique sérielle, dont il perçoit toutefois les limites à la fin des années 1950. Il se tourne alors vers une forme de pluralisme stylistique et introduit des citations dans sa musique. Si ses œuvres des années 1950 semblent en retard sur celles de ses collègues plus jeunes (Concertos pour violon, trompette et hautbois), avec sa cantate Omnia tempus haben et ses Perspektiven pour deux pianos, il s’intègre complètement au courant sériel. C’est l’écriture des Soldats, son unique opéra, qui le conduit du sérialisme strict au pluralisme. Cette œuvre bouleversante, basée sur le texte de Lenz, est créée en 1965 et sera suivie d’une autre œuvre monumentale, le Requiem pour un jeune poète, qui retrace les cinquante ans de sa propre existence à partir d’un montage de textes et de musiques. Zimmermann est alors profondément dépressif et, hospitalisé, ne peut assister à la création. Sa dernière œuvre, l’Action ecclésiastique, constitue une confession déchirante, en forme de cri.

La musique de Zimmermann possède une dimension tragique à la mesure de l’histoire qu’il a traversée, mais elle est aussi chargée d’humour et d’ironie, comme on peut le voir avec la Musique pour les Soupers du Roi Ubu (1962-1966). Sa force est incomparable ; la rigueur d’écriture et de forme s’accompagne d’une imagination sonore exceptionnelle. Ces qualités étaient déjà perceptibles dans sa Symphonie en un mouvement de 1950, de même que sa fascination pour l’aspect rituel de la musique, son caractère inexorable, sont déjà présents dans le ballet Alagoana de 1950-1955. Ces deux œuvres de jeunesse montrent une tentative de synthèse entre les deux traditions que représentent Schönberg (ou Berg) et Stravinsky (ou Bartók), comme elles témoignent de sa double personnalité, entre moine et Dionysos comme il le disait lui-même. On la retrouve, fondue en un style entièrement personnel, dans Dialoge pour deux pianos et orchestre (1960-1965), le Concerto pour violoncelle en forme de pas de trois (1965-1966) ou Photoptosis pour orchestre (1968), trois œuvres très impressionnantes. Dramaturge dans l’âme, Zimmermann a été très attiré par le ballet ; même une pièce de musique de chambre comme Présence (1961) est pensée comme un ballet et fait intervenir des personnages de fiction : Don Quichotte, Ubu et Molly Bloom.

Zimmermann vécut de son enseignement à Cologne et de la réalisation de musiques de scène et de musiques pour la radio, où il expérimenta ses techniques de montage et de collage, dont la Musique pour les Soupers du Roi Ubu est la sublimation (l’œuvre n’est faite que d’un montage de fragments de pièces du répertoire). Obsédé par la question du temps, il écrivit plusieurs essais d’une grande profondeur sur le sujet. Son Journal est un témoignage poignant des années d’après-guerre.

Zimmermann s’est donné la mort le 10 août 1970 à Gross-Könisgdorf près de Cologne.

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