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Karlheinz Stockhausen

La puissance de travail de Stockhausen, son inlassable inventivité, sa capacité de conceptualiser ses idées, ont marqué toute la musique de l’après-guerre. Ses écrits de l’époque héroïque des années 1950 constituent l’une des sources majeures pour comprendre les enjeux propres à toute une génération qui avait reçu en héritage la barbarie nazie et la haine de la modernité.

Présentation

Né en août 1928 près de Cologne, Karlheinz Stockhausen connaît une enfance troublée par la grande dépression de 1929, la montée du nazisme et la guerre. Sa mère, musicienne, est internée en 1932 et éliminée en 1941, alors que son père disparaît en 1945 sur le front de l’Est. Durant la guerre, Stockhausen est confronté à bien des horreurs et s’occupe notamment des blessés. Après 1945, il suit les cours de l’université de Cologne et rédige son mémoire sur la Sonate pour deux pianos et percussion de Bartók. Dès l’été 1950, il se rend à Darmstadt et fait la découverte de Schönberg grâce aux cours de Leibowitz, puis de Webern notamment grâce à Hermann Scherchen et Karel Goeyvaerts. La découverte du Mode de valeurs et d’intensités de Messiaen le bouleverse et détermine ses orientations (il suivra les cours de Messiaen à Paris entre 1952 et 1953). Parallèlement, il s’intéresse à la musique concrète et travaille dans le studio de Pierre Schaeffer à Paris.

Dans ses premières œuvres sérielles (Kreuzspiel, Klavierstücke I-IV, Kontrapunkte), il privilégie la rigueur et une conception unitaire de l’écriture dont la source est à la fois dans sa religiosité et dans son refus de tout compromis avec les moindres références historiques. Son ambition est de reconstruire la musique dans tous ses aspects, de la conception à la réalisation et aux conditions de sa présentation.
Durant les années 1950, il développe toute une série de concepts à propos du temps, de l’espace, de la nature du son, explorant de nouvelles procédures et de nouvelles formes aussi bien dans sa musique instrumentale que dans sa musique électro-acoustique. Il produit deux chefs-d’œuvre autour de 1955 : Gesang der Jünglinge (musique électro-acoustique) et Gruppen pour 3 orchestres. Il est alors un des pionniers de la musique électro-acoustique au studio de Cologne.

Dans les années 1960, marqué par les expériences avec le hasard de Cage et l’idée de forme ouverte, il écrit des pièces comportant une part d’aléatoire, comme le célèbre Klavierstück XI ou Zyklus pour percussion. Cette tendance aboutira à Aus den sieben Tagen, où les musiciens improvisent à partir de textes brefs. Stockhausen s’entoure alors d’un groupe de musiciens avec lesquels il réalise des improvisations dirigées tout en utilisant les moyens électro-acoustiques et en développant l’utilisation du synthétiseur. Mais parallèlement, il écrit des œuvres telles que Kontakte (1960), qui mêle piano, percussion et bande magnétique, Momente, vaste fresque pour voix, chœur et ensemble (1962), ou Hymnen (1967), vaste fresque composée à partir des hymnes nationaux, puis Mantra pour deux pianos et modulateur à anneaux (1970).

Dans le courant des années 1970, Stochausen commence un projet monumental de sept opéras liés aux sept jours de la semaine, Licht, qu’il achèvera en 2002. Les pièces qui le constituent, et qui peuvent être jouées séparément, proviennent toutes d’une super-formule qui reprend l’idée de série dont tout doit découler. Les influences de l’Extrême-Orient et d’une secte qui lie ensemble les différentes croyances religieuses (Urania) convergent dans une forme de syncrétisme généralisé. Les membres musiciens de sa famille sont tous impliqués dans l’œuvre et figurent les personnages principaux (Ève est représentée par la clarinette basse, jouée par son épouse, Michael par l’un de ses fils, qui est trompettiste). Cosmogonie située hors des références théâtrales et musicales habituelles, Licht est le grand œuvre de la maturité. Il sera suivi de pièces intitulées Klang (les vingt-quatre heures du jour), cycle laissé inachevé par la mort brutale du compositeur en 2007.

Proche de Boulez dans les années 1950, figure dominante de la scène contemporaine jusqu’aux années 1970, revendiqué par les musiciens de la scène pop en raison de son inventivité sonore, Stockhausen s’est progressivement isolé en échappant aux circuits traditionnels, et comme Wagner, a voulu imposer sa propre vision de l’œuvre et des conditions de sa production (Licht comporte toutes les indications de mise en scène) ; mais il n’a pas réussi à obtenir son Bayreuth. La puissance de travail de Stockhausen, son inlassable inventivité, sa capacité de conceptualiser ses idées, ont marqué toute la musique de l’après-guerre. Ses écrits de l’époque héroïque des années 1950 constituent l’une des sources majeures pour comprendre les enjeux propres à toute une génération qui avait reçu en héritage la barbarie nazie et la haine de la modernité.

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